Article de Robin Peraudin du journal La Marne
Fascinée par Jean Giono, cette autrice du Pays de Meaux dévoile la face cachée de l’écrivain
Dans son ouvrage, Christine Bretonnier-Andreani dévoile une face de l’écrivain français. Un Giono insoupçonné, entre pulsions, monstres et désir.

Et s’il fallait oublier le Giono lyrique, panthéiste, proche de la nature, pour redécouvrir un écrivain hanté par le désir, le sacré et l’abîme ? C’est la proposition audacieuse de Christine Bretonnier-Andreani, ancienne enseignante dans le Pays de Meaux, dans Jean Giono- Un désir monstre au-delà de toutes les transgressions, un essai dense, rigoureux et incandescent. Fascinée par l’écrivain français, l’autrice dévoile dans son ouvrage la partie sombre des œuvres de Giono, notamment à son retour de la Première guerre mondiale « J’ai choisi de proposer une lecture, en quelque sorte lacanienne, sur les dérives et explorations du désir et des chemins de traverse qui sous-tendent l’œuvre de Giono », affirme l’autrice. Loin des représentations classiques de Giono comme « écrivain de la terre », son approche fait émerger un Giono du trouble, de la monstruosité, de la transgression.
Le Giono « deuxième manière » : au cœur des ténèbres
Christine Bretonnier-Andreani concentre son attention sur les œuvres de la maturité, ce qu’on appelle le « Giono deuxième manière », celui d’Un roi sans divertissement, Le Moulin de Pologne, Les Âmes fortes ou Ennemonde. « Ce sont ces romans qui m’ont toujours intéressée, écrit-elle, parce qu’ils explorent les passions humaines incarnées dans les personnages. » Ces figures, transfigurées par l’imaginaire de Giono, révèlent une tension constante entre pulsions et interdits. « Depuis Un roi sans divertissement jusqu’à Ennemonde, en passant par Deux cavaliers de l’orage, ce voyage au sein des pulsions et des interdits révèle un Giono insoupçonné. »
La mère archaïque, les monstres, la transgression
L’essai est structuré en trois grandes parties. D’abord, « La mère archaïque », où l’autrice analyse les figures féminines omniprésentes et puissantes. Elle cite Freud et Lacan pour éclairer cette quête du Féminin. Ensuite, dans « Les monstres dans l’imaginaire gionien », elle s’attarde sur la présence de l’hermaphrodite, de l’ogre, du monstre marin. Enfin, « Genèse d’une philosophie de la transgression » tisse des liens profonds entre Giono et d’autres figures de la création : Antonin Artaud, Vincent Van Gogh, Frida Kahlo.
Un essai transdisciplinaire
Ce qui rend cet essai si singulier, c’est la multiplicité des regards croisés. Bretonnier-Andreani mobilise la psychanalyse (Freud, Lacan, Kristeva), la philosophie (Nietzsche, Axelos), l’esthétique (Artaud, Van Gogh, Kahlo), pour construire une typologie du monstrueux. « Le monstre, chez Giono, n’est jamais totalement extérieur : il naît du clivage, du refus du refoulement. »
Un regard renouvelé sur un écrivain majeur
En s’éloignant des approches convenues sur le Giono humaniste et poète de la nature, Christine Bretonnier-Andreani offre un regard neuf, dérangeant, fascinant. Elle nous montre que chez Giono, le désir est monstre, que le langage est chair, que l’inconscient travaille chaque phrase.
Un livre salué pour sa richesse intellectuelle, sa force d’interprétation et la puissance de son écriture.
Article à retrouvé en ligne sur le site du journal La Marne :

